Que
de superlatifs ont été utilisés pour
qualifier Ferrari et Michael Schumacher ... en 2001! Il semblait
impossible à quiconque de faire mieux, ou même
d'égaler cette saison incroyable, au cours de laquelle
ils ont battu nombre de records. Et pourtant... Pourtant 2002
a fait oublier la saison 2001, 2002 a fait oublier une bonne
cinquantaine d'années de compétition automobile
au plus haut niveau. Le baron rouge et son équipe ont
écrit une nouvelle page dans l'histoire de la formule
1, au contenu si incroyable, que bien des acteurs de la discipline
ont craint que cette page ne soit la dernière du grand
livre de la F1, telle une conclusion magistrale pour un magnifique
récit d'aventure moderne. En effet, La Scuderia a fait
de cette saison 2002 son territoire de chasse gardée,
raflant tout ce qui peut l'être au cours d'une saison,
ne laissant que des miettes à la concurrence, si tant
est qu'il faille qualifier ainsi 10 puis 9 écuries
faisant plus ou moins office de distraction, histoire d'empêcher
Schumi de s'endormir au volant. Les tableaux de statistiques
ont volé en éclats, faisant de Michael Schumacher
une légende vivante de la formule 1, même s'il
a beaucoup de détracteurs, contrairement à Fangio,
il s'est indéniablement imposé comme étant
le meilleur pilote de monoplaces que la planète Terre
ait hébergé, malgré l'élargissement
de l'attribution des points prenant effet l'an prochain, il
sera bien difficile à quiconque de venir chasser sur
les terres de Schumi dans les décennies à venir.
En une saison, il marque la somme colossale de 144 points
sur 170 possibles, ce qui porte son capital personnel à
près de 950 points, son dauphin étant Alain
Prost avec 799,5 points. Il termine toutes les courses, sans
exception, sur l'une des marches du podium, ce qui n'était
encore jamais arrivé en F1. 'Accessoirement', le nombre
de fois où il obtient la victoire est de 11, nouveau
record, sans oublier de préciser que si Barrichello
lui a offert l'une d'entre elles, Schumi lui a rendu la politesse
trois fois, permettant à son équipier de terminer
vice-champion du monde, au terme de ce qui est la meilleure
saison du sympathique brésilien... Avec deux tels pilotes,
la Scuderia n'est pas en reste, puisqu'elle est la première
équipe à passer le cap de 200 points dans l'année,
avec un total de 221 points, ce qui représente exactement
la moitié de l'ensemble des points distribués
au cours des 17 grands prix. Et cet exploit restera à
jamais marqué sur les tablettes de la F1, car s'il
finira probablement par être dépassé,
cela n'aura plus la même valeur, étant donné
la nouvelle distribution des points, plus généreuse,
qui aura lieu dès l'an prochain. Depuis toujours, l'histoire
de la F1 est liée à celle de ferrari, et cette
saison 2002, qui restera certainement comme le parcours idéal
de référence en formule 1, que nul se semble
pouvoir reproduire un jour, représente un pallier pour
les deux monuments: Ferrari, affichant une telle domination
qu'elle en a presque oublié l'existence de son environnement,
usant parfois de méthodes peu orthodoxes et peu respectueuses
de la discipline, ne pourra que faire moins bien, les années
à venir s'annonçant de plus en plus délicates,
surtout après les départs de Schumacher, Jean
Todt et Ross Brawn, dont la succession sera la plus lourde
de toutes celles jamais envisagées. 2003 pourrait voir
un nouveau sacre des rouges, les concurrents affichent déjà
une certaine résignation prématurée,
mais je ne pense pas me tromper en prédisant une nouvelle
période délicate pour l'avenir, souhaitant seulement
qu'elle ne dure cette fois pas 20 ans...
La
résignation des prétendants au titre se devine
dans leurs déclarations où ils ne parlent que
de long terme pour revenir au plus haut niveau, et dans leur
intention d'utiliser un chassis 2002 mis à jour pour
les premières courses en 2003. Les prétendants
qu'étaient début 2002 Williams BMW et MacLaren
Mercedes ont rapidement dû se rendre à l'évidence,
ils ne pouvaient faire mieux que jouer le rôle d'observateurs
privilégiés sur la piste. Pourtant, Williams
nourrissait quelques espoirs en tout début de saison,
se permettant de rivaliser avec les rouges, affichant des
performances très proches, parfois même meilleures
que les Ferrari, remportant même une des deux seules
victoires non italiennes, par le biais de Ralf Schumacher,
lors du grand prix de Malaisie. Mais les performances et la
fiabilité ont assez vite cessé d'évoluer
dans le bon sens, et tout le talent des deux pilotes maison
ne permettra pas de palier aux pannes mécaniques et
eléctroniques, pas plus que de s'opposer à l'ascension
irrésistible des F2002 rouges. Quant à MacLaren,
dès le début de la saison ils ont réalisé
qu'ils étaient face à un nouveau calvaire, pire
encore qu'en 2001, ils avaient cette fois deux duos d'opposants
sérieux à affronter, sans parler d'une voiture
plus rétive à maitriser. Le pourtant prometteur
Kimi Raikkonen n'a pu terminer que très peu de grand
prix -à chaque fois dans les points- à cause
de multiples problèmes de fiabilité de sa monture.
Et David Coulthard qui rêve toujours de titre mondial
a remporté la seule victoire des flèches d'argent,
à Monaco, ce qui ne l'empêche pas de terminer
la saison derrière les deux pilotes Ferrari ET les
deux titulaires Williams. La deuxième partie de la
saison laissait pourtant entrevoir un peu d'espoir aux hommes
de Ron Dennis: ses voitures ne cessant de progresser, étaient
enfin revenues au niveau des Williams, au contraire moins
en forme. Ils ont ensuite suivi une progression similaire,
mais le passif accumulé par MacLaren était trop
important pour revenir dans la course. Malgré la rivalité
parfois destructrice entre Ralf Schumacher et Juan-Pablo Montoya,
leur écurie, Williams BMW, a conservé sa deuxième
position jusqu'au bout, grâce à l'excellent début
de saison qu'ils avaient construits ensemble.
Derrière le trio de tête, Renault atteint son
objectif, qui était de terminer quatrième pour
la première année de son retour officiel en
formule 1. En début de saison, ils se sont même
mis à rêver brièvement de la troisième
place, mais c'était avant que MacLaren ne commence
à se reprendre en main, et ne se mette à l'abri
de la menace des bleus et jaune. C'est déjà
pas mal, si l'on considère les difficultés représentées
par la mise au point du moteur à angle très
ouvert, coupable de nombreux abandons privant les pilotes
d'un nombre élevé de places dans les points.
D'ailleurs, l'ensemble des autres motoristes considèrent
que cette architecture a plus d'inconvénients que d'avantages,
et aucun d'entre eux ne pense reprendre l'idée innovante
à l'origine du retour de la marque française
à la compétition. Une chose intéressante
est à noter, la répartition des points au sein
de l'écurie est largement à l'avantage de Jenson
Button, jeune pilote très prometteur, épaulant
pourtant un autre très bon pilote, Jarno Trulli. Malgré
cela, Flavio Briatore a choisi de se séparer de Button
afin d'offrir son bacquet à un jeune protégé
du manager italien, Fernando Alonso, qu'il présente
comme un nouveau Schumacher. J'ai du mal à imaginer
cela possible, il faut espérer pour Briatore qu'il
ne fait pas une grossière erreur en se séparant
d'un très bon pilote désormais doté d'une
expérience non négligeable, afin de le remplacer
par un espoir ayant pour toute expérience une unique
saison au volant d'une Minardi, où il avait fait sensation,
mais pas autant que Webber cette année. Au classement,
Renault déloge donc Sauber qui suit en cinquième
position, assez loin derrière et surtout talonné
par une série d'équipes qui pourraient s'avérer
de redoutables concurrents l'an prochain. L'écurie
suisse n'est pas parvenue à rééditer
l'exploit de l'an passé, malgré un début
de saison correct, faute de pouvoir financer des évolutions
suffisamment efficaces au fil des courses. Ce n'est pas le
seul facteur en cause, le jeune pilote de cette année,
Felipe Massa, n'avait pas non plus le même talent que
Raikkonen, plus apte en 2001 à épauler Nick
Heidfeld dans la course aux places d'honneur. Sauber a quand
même réussi à rester devant d'autres équipes
à priori plus fortes, parce que plus riches, mais il
faut s'attendre à ce que celles-ci, au moins une partie
d'entre elles, passent devant en 2003. Jordan, qui suit juste
derrière, n'est peut-être pas la mieux placée
pour cela, mais en tout cas, cette année ils ont sauvé
in extremis leur saison, grâce au talent intact de Fisichella
qui réussit des choses aussi incroyables que possibles
par sa constance, dès que sa monture le lui permet.
Et paradoxalement, c'est le second pilote, Takuma Sato, qui
permet à l'écurie irlandaise de passer devant
deux autres équipes lors de l'ultime grand prix, au
Japon: le jeune débutant japonais n'a cessé
de commettre des impairs au cours de la saison, allant même
parfois jusqu'à sortir son propre équipier,
ce qui n'augurait rien de bon pour son avenir. Et puis lors
de son grand prix national, il est devenu d'un coup compétitif,
se qualifiant en 7ème position, et réussisant
l'exploit de terminer 5ème de l'épreuve! Il
permet ainsi à son équipe de griller la politesse
à Jaguar et B.A.R., cette dernière étant
dotée du même moteur Honda, que Jordan perdra
pourtant l'an prochain malgré ses meilleurs résultats.
Eddie Jordan est parvenu à remplacer le Honda par un
Ford client, celui-là même équipant la
Jaguar, autre voiture devançée cette année
par les F1 irlandaises... Le miracle d'une si 'bonne' position
finale de Jaguar est essentiellement dû au coup de volant
intact d'Eddie Irvine, qui est parvenu à tirer parti
de certaines situations de course pour se hisser assez haut
dans les points à deux reprises, dont un podium, malgré
la grande médiocrité du chassis Jaguar R3, à
peine amélioré au cours de la saison avec la
version R3B. L'écurie où se trouvait le seul
pilote français en 2002, suit juste derrière,
B.A.R. Honda réalise une de ses plus mauvaises saisons,
malgré la présence aux côtés de
Panis d'un autre grand talent, Jacques Villeneuve, qui s'obstine
à vouloir faire de cette voiture une prétendante
à la victoire. Il reste malgré l'éviction
de son propre manager, Craig Pollock, remplacé à
la tête de B.A.R. par David Richards. L'echec de cette
année est autant dû aux difficultés à
être dans le rythme des outsiders, qu'à la totale
absence de fiabilité des moteurs Honda, incapables
la plupart du temps de rester en vie toute la durée
d'une course en montant à des régimes élevés
nécessaires pour de bonnes performances. Le fait que
Honda fournissait deux équipes ne plaidait pas non
plus en leur faveur, les efforts fournis devant être
partagés entre deux 'clients'. En 2003, Ils pourront
se concentrer sur l'unique B.A.R., ce qui leur permettra certainement
de fournir un moteur plus convainquant. Derrière le
dernier des outsiders, les trois petits poucets sont à
égalité, mais ce résultat cache bien
des disparités entre trois écuries très
différentes les unes des autres. Toyota marque deux
points pour sa toute première participation au championnat
du monde de formule 1, dès la première épreuve,
ce qui augure d'un avenir très brillant pour le numéro
un japonais, malgré l'absence de progrès au
cours de la saison. Car leur atout est d'avoir un projet à
long terme, ils n'ont fait que découvrir et apprendre
les circuits cette année, avant de revenir l'an prochain
avec deux très bons pilotes, et une voiture certainement
plus aboutie, qui leur permettra, je pense, de découvrir
les joies du podium. Minardi est l'éternel petit poucet
de la F1, depuis son arrivée dans la discipline en
1985. Cette fois, c'est Paul Stoddart, un homme d'affaires
australien, qui a sauvé l'équipe de la faillite,
bien aidé par un autre australien, Mark Webber, jeune
pilote très doué, qui a permis à Minardi
de marquer ses premiers points depuis le grand prix d'Europe
1999. La survie de l'équipe était ensuite malgré
tout loin d'être assurée, mais Stoddart est parvenu
à reprendre son bien (les droits TV normalement dévolus
à feu Prost-Acer) des mains de Tom Walkinshow, qui
se trouve il me semble assez souvent au coeur de magouilles
pas très nettes. Mais cette fois, c'est lui la 'victime',
puisque l'écurie Arrows dont il est le manager n'a
pas participé à l'ensemble des courses cette
année, faute d'être parvenu à gérer
un budget très limité, et malgré les
performances encourageantes de Frentzen en début de
saison: souvent mieux placé que les Jaguar équipées
d'un moteur identique, il parvient même à deux
reprises à marquer un point. Mais ce n'est pas suffisant,
l'avenir d'Arrows n'est pas encore définitivement bouché,
la renaissance de l'écurie semble pourtant de plus
en plus hypothétique.
Si
l'on revient un instant à la page
d'accueil de la saison 2002, chacun pourra constater que
mes pronostics pour cette saison se sont avérés
très fiables, à l'exception de l'écurie
B.A.R., que j'espérais un peu mieux placée.
Puisque ce bilan 2002 est à priori mon ultime contribution
à ce site, je vais à nouveau jouer dès
à présent au petit jeux des pronostics. Pour
2003, je vois Ferrari l'emporter une fois de plus, mais cette
fois beaucoup moins largement, avec une nouvelle montée
en puissance de Williams BMW, plus proche que jamais de la
tête, suivi d'assez près par MacLaren Mercedes.
Ensuite, je pense que Renault conservera sa quatrième
place, mais qu'elle ne sera pas plus confortable qu'en 2002.
Pour la 5ème place, je verrais bien Toyota se positionner
derrière Renault: après une année d'apprentissage,
je pense qu'ils sont capables de réaliser cette performance,
de franchir un nouveau cap avec de gros progrès sur
leur voiture associés à deux très bons
pilotes. Pour la sixième place, ça se complique
un peu; à mon avis, la concentration du team Honda
autour de B.A.R. pourrait leur permettre de prendre cette
place, devant Sauber, de plus en plus isolée face à
tous ces grands constructeurs, mais encore capable, j'espère,
de tenir tête à Jaguar et Jordan, grâce
aux talents combinés de Frentzen et Heidfeld. Entre
Jaguar et Jordan, la puissance de Ford devrait faire la différence,
même si ça me plairait de voir Jordan devancer
la vénérable maison britannique. Et finalement,
Minardi ne devrait pas quitter sa position fétiche
de porte balai, à moins que Arrows ne ressuscite et
vienne lui disputer la dernière place. Rendez-vous
donc fin 2003, où l'on saura si mes prédictions
se voient confirmées par le véritable classement
final.
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