La
saison 1999 de formule 1, sujet paradoxe s'il en est...
Elle a commencé avec une belle crise de hoquet, les
premiers grand prix ayant transformé les circuits en
cimetières de voitures pas finies. La saison débutait
trop tôt ? Pourtant pas plus que d'habitude, mais le
début de l'année a vu un nombre impressionnant
de F1 abandonner en cours de route sur problème mécanique,
problème hydraulique, problème électronique...
Electronique et informatique, mais là ça s'appelle
un bug dans l'univers parallèle du binaire, et c'est
là le hic: on a une telle confiance en l'informatique,
qu'on veut tout lui confier, même la mécanique
d'une formule 1, quitte à se priver des bons vieux
mécaniciens pointilleux qui bichonnaient amoureusement
leur bébé, du temps où la formule 1 dépendait
essentiellement de passionnés. Après tout, pourquoi
pas, une fois fiabilisée, l'informatique a prouvé
qu'elle peut apporter de précieux renseignements sur
le véhicule, et un homme exercé reste indispensable
pour savoir en déduire la meilleure façon d'optimiser
le comportement et les performances de l'engin. Et puis même
la grande Ariane V, fierté de toute l'europe, a vu
son premier 'run' écourté par un bug informatique;
nul n'est à l'abri, et le rapprochement est plutôt
flatteur...
La
saison 1999 a vu éclater au grand jour une vérité
moins flatteuse qui bouillonnait d'être restée
aussi discrète jusqu'à présent: c'est
le business qui tient les rennes du pouvoir sportif, et jamais
autant de ces multi-nationales globalistes ne se sont impliquées
en formule 1 qu'en 1999, chacune souhaitant en faire leur
instrument marketing préféré pour les
années à venir. Ainsi, Mercedes rachète
MacLaren à ses propriétaires historiques, Ron
Dennis et Mansour Ojjeh; Ford rachète Stewart et bombarde
aussitôt le nom prestigieux de Jaguar à cette
écurie; Honda prend une participation "substentielle"
dans la jeune écurie B.A.R. créée par
Craig Pollock juste avant de tenter d'ejecter ce dernier;
BMW annonce un retour en fanfare chez Frank Williams, qui
devrait peut-être faire attention à ses fesses...
Les enjeux financiers deviennent de plus en plus colossaux
pour tous les protagonistes, allant même parfois jusqu'à
eclipser les exploits sportifs vécus en piste. Pourtant
1999 a été la saison la plus palpitante et la
plus disputée depuis longtemps en formule 1, ne cessant
d'offrir au spectateur rebondissements et retournements de
situation, et surtout des dépassements en course aussi
spectaculaires que sportifs, dont notre Jean Alesi national
n'est pas le moindre des auteurs. Et en dehors de ce qui peut
être qualifié de cafouillage malheureux de la
part des commisaires malaisiens, la saison s'est déroulée
dans le plus parfait esprit sportif, le fair play a dominé
jusqu'au bout et aucun incident important entre pilotes n'est
venu perturber une année de compétition forte
en émotions positives, qui a vu en outre éclore
deux nouvelles grandes écuries: Jordan qui a fini par
récolter les fruits de l'obstination de son patron
atypique, et Stewart qui a mis très peu de temps à
se hisser parmi les top teams.
Finalement,
l'arrivée massive en F1 de gros investisseurs financiers
a tendance à favoriser le nivellement par le haut des
performances des voitures, et si elle efface toute trace d'amateurisme
éclairé en imposant des objectifs dont la finalité
est plus commerciale que sportive, elle a paradoxalement le
mérite de ramener le spectacle sur la piste, où
il faisait un peu défaut ces dernières années.
Mais croisons tous ensemble les doigts pour que les courses
restent du domaine purement sportif, et ne soient jamais "arrangées"
pour assurer un spectacle de façade qui ne froisse
aucun des intérêts financiers en coulisse.
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